jeudi 6 septembre 2012
Les Canadiens aveugles peuvent dormir tranquille ce soir sachant que la Charte des droits et libertés leur garantit (1) l’accès aux communications électroniques et (2) le maintien légalement obligatoire de l’accessibilité tout au long de l’évolution des technologies d’information. Et à cette fin, les logiciels afférents sont disponibles. Estimant toutefois qu’il n’était pas obligé de le faire, le gouvernement fédéral avait décidé ne pas appliquer les techniques d’accessibilité à ses sites Web. Les tribunaux ont eu le dernier mot et lui ont ordonné d’assurer l’accessibilité de ses sites, maintenant et à l’avenir.
Donna Jodhan, aveugle, titulaire d’une maîtrise de l’université McGill, consultante en accessibilité et présidente de l’Alliance pour l’égalité des Canadiens aveugles (AEBC), avait été incapable d’accéder aux sites du gouvernement fédéral. Elle avait en outre découvert que les sites interactifs, favorisant les transactions en ligne avec le gouvernement, étaient également inaccessibles.
Elle retint les services d’un avocat et, avec l’aide de l’aujourd’hui défunt Programme de contestation judiciaire, elle put en se basant sur les garanties de la Charte, contester l’inaccessibilité des sites Web fédéraux. La réaction du Procureur général du Canada a été imposante et intimidante, stipulant en fin de compte que le gouvernement n’avait pas à se conformer aux changements technologiques et qu’en aucun cas ses sites se devaient d’être accessibles (« autre canaux de communication »).
Le 29 novembre 2010, le juge Michael A. Kelen de la Cour fédérale a débouté les arguments du gouvernement qu’il accusa d’avoir enfreint les droits à l’égalité de Mme Jodhan, tels que garantis par la Charte. La Cour a décrété qu’elle maintenait sa juridiction afin de surveiller le gouvernement dans l’exécution de son obligation de conformité avec les dispositions de la Charte.
Le gouvernement fédéral interjeta appel de cette décision mais il fut débouté le 30 mai 2012 par le juge Nadon, dans un jugement unanime de la Cour fédérale d’appel. La Cour confirma la décision du juge Kelen selon laquelle l’inaccessibilité des sites Web enfreignait les droits des Canadiens aveugles, enchâssés dans la Charte. Il décréta néanmoins que les circonstances n’autorisaient pas le juge Kelen à surveiller les efforts de conformité du gouvernement.
Il incombait alors au gouvernement et à Mme Jodhan de décider s’ils allaient interjeter ou non appel ou de la décision de la Cour fédérale auprès de la Cour suprême du Canada ou l’accepter comme ayant force exécutoire.
Le gouvernement décida en bout de compte de ne pas interjeter appel, reconnaissant donc pour la première fois qu’il avait agi de manière illicite à l’égard des Canadiennes et des Canadiens aveugles.
Mme Jodhan faisait face à un dilemme. Le délai de grâce accordé par le juge Kelen pour permettre au gouvernement fédéral de s’acquitter de son obligation de conformité avait déjà expiré. Mme Jodhan n’avait toutefois pas les ressources requises pour déterminer si le gouvernement avait exécuté l’ordre de la Cour. Vérifier des millions de pages s’avérerait financièrement astronomique. Elle était néanmoins l’une des dernières bénéficiaires du Programme de contestation judiciaire, ce qui lui permettrait de poursuivre la plainte auprès de la Cour suprême du Canada. Mais si elle n’interjetait appel et que les sites Web demeurent inaccessibles, elle n’aurait plus aucun moyen de demander des comptes au gouvernement.
Ne voulant pas interjeter appel inutilement, elle a alors demandé au gouvernement de lui fournir des rapports de vérification interne sur l’accessibilité de ses sites. Le gouvernement a refusé.
Elle s’est donc tournée vers l’Institut national canadien pour les aveugles (« INCA ») qui a accepté d’effectuer un audit de cyber-accessibilité fédérale, dans le temps imparti à la plaignante pour décider d’en appeler, ou non, auprès de la Cour suprême.
Malgré le dépistage de quelques « défauts de conformité », l’audit de l’INCA a permis de conclure que « le gouvernement s’était bien attaqué et avait bien remédié aux problèmes soulevés dans les évaluations précédentes (à savoir, les évaluations qui ont permis à la Cour d’inférer la discrimination à l’égard des Canadiens aveugles.) » En ce qui a trait aux sites interactifs, l’audit a conclu que «…. le gouvernement avait largement réalisé ses obligations de conformité. »
Ces conclusions ont été corroborées par les audits ponctuels effectués par Jutta Treviranus et Jan Richards de l’Inclusive Design Research Centre (« IDRC ») de l’OCAD University et par l’audit international comparatif du iTnews for Australian Business, publication en ligne qui a classé le Canada et l’Union européenne au premier rang des quatorze gouvernements testés sur l’accessibilité de leurs sites Web.
À partir de ces audits, Mme Jodhan a conclu qu’en décidant de ne pas interjeter appel de la décision de la Cour d’appel fédérale, elle ne laissait pas tomber les Canadiennes et les Canadiens aveugles. Sa résolution actuelle règle définitivement la question de l’accessibilité des sites Web.
Mme Jodhan a déclaré :
« Je suis ravie et soulagée que ce dossier se soit soldé par une victoire pour tous les Canadiens aveugles, partiellement voyants et sourds/aveugles. Savoir que nos enfants bénéficient désormais d’une égalité d’accès aux informations, en toute autonomie et avec une aide réduite des voyants, valait vraiment la peine.
Je remercie mes avocats David Baker et Meryl Gary, mes spécialistes en accessibilité, Jutta Treviranus et Jan Richards. Je remercie également l’AEBC, l’INCA et le Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD) de l’appui moral qu’ils m’ont offert tout au long de cette affaire et, plus particulièrement l’INCA pour avoir entrepris cet audit.
David Baker de bakerlaw a souligné :
Le cas de Donna Jodhan a permis de reconnaître, sur la scène internationale, la prééminence du Canada quant aux droits à l’égalité de ses citoyens handicapés. Il a établi que les Canadiennes et les Canadiens avec des déficiences peuvent désormais exercer leur droit de plein accès aux biens, services et informations.
Donna a reconnu qu’à cause de l’annulation du Programme de contestation judiciaire, de tels cas ne pourront plus être portés à l’avenir. Avant de décider d’en appeler ou non, elle s’est assurée que le gouvernement respecte suffisamment les exigences d’accessibilité enchâssées dans la Charte des droits et libertés.
Jutta Treviranus de l’IDRC a affirmé :
L’accessibilité des sites Web peut s’effectuer à peu de frais, voire gratuitement si on utilise les logiciels-auteurs afférents. Les coûts se multiplient lorsque l’accessibilité n’est pas intégrée dès le début. Le droit des personnes handicapées à un accès égal aux services en ligne a bénéficié, avec le cas de Donna d’une conscientisation et d’une attention internationales. Et cet accès est possible : il suffit que les autorités en place en aient la volonté.
Nous reconnaissons, malgré les quelques secteurs de non-conformité fédérale, que la voie vers une égalité d’accès et la pleine participation des personnes handicapées est en train de s’ancrer dans le paysage gouvernemental.
John Rafferty, président-directeur-général de l’INCA a déclaré:
L’INCA croît profondément que tous les Canadiens doivent bénéficier d’une égalité d’accès aux informations gouvernementales, qu’ils aient ou non une déficience, comme la cécité. Nous félicitons Donna Jodhan d’avoir porté cette cause au nom de tous les Canadiens aveugles ou partiellement voyants, tout comme nous félicitons le gouvernement du Canada d’avoir fait l’effort important de s’attaquer à ce problème.
Anthony Tibbs, représentant de l’AEBC, avocat auprès de la firme Merchant Law Group LLP, a souligné :
L’AEBC est fière d’avoir soutenu sa présidente Donna Jodhan dans son historique bataille pour l’accessibilité. Sans aucun avantage matériel, et sans relâche, elle a travaillé pendant six ans dans l’intérêt des Canadiens aveugles afin d’atteindre ce précédent jurisprudentiel remarquable.
Grâce à ses efforts et à l’application judiciaire des dispositions de la Charte des droits et libertés, le Canada s’est placé, comme il se doit, au premier plan de l’intégration des personnes handicapées dans la révolution des technologies de communications. L’argument gouvernemental stipulant que les Canadiens aveugles devraient se satisfaire « d’autres canaux de communication », nous aurait totalement exclus. Et puisqu’il a été débouté, les personnes aveugles du Canada ont droit à une égalité d’accès à l’information.
Vangelis Nikias (bilingue), chef de projet, CDPH, CCD, a ajouté :
Pour que le Canada devienne réellement inclusif et accessible, les gouvernements doivent instaurer des règlements d’accessibilité basés sur les principes énoncés par les Cours dans l’affaire Jodhan. De nouveaux obstacles sont érigés tous les jours parce que l’accès n’est pas intégré dans le concept des nouveaux biens et services. Nos droits ne devraient pas être subordonnés à de longs et insoutenables procès.
En tant qu’État partie de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), le Canada s’est engagé à assurer la pleine accessibilité et à éliminer les obstacles, notamment dans le domaine des technologies d’information et de communications. Les Cours ont ordonné au Canada de respecter ses obligations internationales.
Date: 4 septembre 2004
PERSONNES CONTACTS :
bakerlaw
David Baker au (416) 533-0040 poste 222, dbaker@bakerlaw.ca
Meryl Gary (416) 533-0040 poste 240, mgary@bakerlaw.ca
IDRC
Jutta Treviranus (416) 977-6000 poste 3950, jtreviranus@faculty.ocad.ca
Jan Richards (416) 977-6000 poste 3957, jrichards@ocadu.ca
INCA
Erika Bennett (416) 486-2500 poste 8355; erika.bennett@cnib.ca
AEBC
Anthony Tibbs (514) 842-7776/226-2266, anthony@tibbs.ca
CCD
Vangelis Nikias (bilingue) (613) 240-5730/738-8881 vangelis@ccdonline.ca
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