Rachel Kolb, une étudiante sourde de naissance, permet aux spectateurs de se mettre à sa place et de découvrir que « lire sur les lèvres » n'est pas si simple que ça.
Un jeune homme, visage sympathique ancré sur un fond rose, parle face caméra. Ambiance rassurante de bonbonnière artificielle qui coïncide bien avec son discours : un souvenir d'enfance. « Quand j’étais très jeune, probablement au jardin d’enfants ou en première année de maternelle... », commence-t-il à raconter au spectateur, le regard droit sur lui. L'élocution est bonne, ni trop rapide ni trop lente. Cet homme sait vraisemblablement bien s'exprimer. Mais au fur et à mesure que progresse son récit, le son de la vidéo se brouille, les lettres des sous-titres se désolidarisent... « J'avais ce frère beaucoup plus âgé que moi. On sortait pour la récréation… Il y avait cet autre garçon. Il devait être en CE1 ou CE2. Il avait l’habitude de nous embêter…» En gros plan, la bouche continue de bouger. Le son devient de plus en plus inaudible. Puis, le silence total.
La scène se répète. Avec une petite fille cette fois. Elle raconte un jour d’école presque comme un autre. Une jeune femme, un barbu roux et d’autres encore viennent partager une tranche de vie et poser cette même question, qui revient alors comme un refrain : « Can you read my lips ? », « Peux-tu lire sur mes lèvres ? ». Cette question, les étrangers la posent chaque fois qu'ils rencontrent Rachel Kolb, écrit-elle dans son essai. Cette étudiante américaine de l’Université d’Oxford, en Angleterre, est née sourde. Dans cette vidéo réalisée par Little Moving Pictures, une société de production basée à San Francisco, en Californie, elle invite le spectateur à se mettre à sa place.
Grâce à ce projet filmique, les entendants peuvent expérimenter le temps de quelques minutes le quotidien d'un sourd. Et alors que les personnages et les histoires s’enchaînent, la confusion demeure.
« Je suis sourde mais mon monde est entendant » explique l’ancienne étudiante de l’université de Stanford, auteure d’un essai intitulé « Voir à la vitesse du son ». Dans ce texte, qui a inspiré la vidéo, la jeune femme explique que l’expression « lire sur les lèvres » renvoie à la lecture d’un livre. Pourtant, ces deux pratiques n’ont rien à voir. « Parce que le visage d’un être humain n’est pas un livre », dit-elle. « Les gens marmonnent, parlent vite, rient fort, ont de la barbe, se cachent la bouche et ont des accents ». Des difficultés qui s'ajoutent au bruit d'un moteur dans la rue ou d'une musique dans une soirée. « Les vraies conversations ne se déroulent pas dans un studio ». Et plus vous rajoutez d’interlocuteurs, plus vous êtes largués.
Rachel Kolb avoue s’être souvent demandée pourquoi elle continuait à s’embêter à lire sur les lèvres. Surtout quand on fait la comparaison avec la langue des signes, cette manière de comuniquer avec les gestes. Une danse belle et expressive. « C’est un tout autre monde. Une véritable culture », confie l'étudiante. « Mais je sais que je veux ces deux mondes. » Parce que dans la communication, Rachel Kolb trouve ce qu'elle considère de plus merveilleux : la connexion humaine.
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Source : LeFigaro.fr
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