Les centres relais, un dispositif de démocratisation sociale et économique pour les personnes sourdes

Les centres relais, un dispositif de démocratisation sociale et économique pour les personnes sourdes

vendredi 9 décembre 2011, par Manu  Envoyer l'article par email

Fanny Corderoy du Tiers a créé la société Viable, une PME de 20 personnes, pour donner accès à la communication aux sourds et malentendants. Elle est sourde de naissance et très impliquée dans le monde de la surdité.

Votre entreprise de centre relais téléphonique offre la possibilité pour les personnes sourdes de pouvoir téléphoner à des personnes entendantes grâce à une simple connexion internet. Comment avez-vous pris connaissance de ces centres relais ?

J’ai connu ces dispositifs aux Etats-Unis où j’ai vécu plusieurs années. Mon engagement pour développer les centres relais a débuté quand je suis venu m’installer en France à la fin des années 90, et où j’ai constaté l’écart existant entre les deux pays. Je suis entrée en contact avec l’Unisda (Union nationale pour l’insertion sociale du déficient auditif) afin de démontrer l’apport indéniable des centres relais. Une prise de conscience s’est opérée. De nombreux échanges avec les Etats-Unis ont permis de développer les centres relais en France. Depuis 2005, avec la loi du 11 février sur le handicap, la France a inscrit le droit à une citoyenneté pleine et entière des personnes handicapées. C’est un fondement important, car avec l’obligation d’emploi par les entreprises et l’adaptation des postes de travail, les entreprises ont fait appel à des sociétés comme la nôtre pour mettre en avant des solutions technologiques innovantes et permettre l’insertion professionnelle des personnes sourdes. Aujourd’hui nous travaillons avec de grandes entreprises comme L’Oréal, Dassault, Alcatel, Décathlon et dans le domaine public, le ministère des Finances, les mairies, les caisses d’assurance familiales... Nous travaillons également avec des PME qui utilisent nos services pour joindre un client, un fournisseur, etc.

Pour vous, grâce à la communication téléphonique adaptée aux sourds, le monde est-il différent ?

C’est tout simplement vital ! Une personne sourde n’est pas coupée de la communication. Elle doit seulement passer par un moyen différent pour se faire comprendre. Si je veux dire quelque chose à une personne, je peux l’écrire mais ce n’est pas aussi souple que la parole. La réponse sera différée. Pour l’échange immédiat, nous avons la langue des signes mais son usage principal se fait vers d’autres personnes sourdes qui savent l’utiliser. Pour parler avec les personnes entendantes, nous sommes devant un obstacle surtout, vous le comprendrez, au téléphone. Cela devient un obstacle insurmontable si l’on veut vivre comme n’importe quelle personne, en contacter d’autres, etc. Le téléphone est une arme, un outil fondamental, parce que cela permet au salarié de recevoir, de donner des appels, d’effectuer son travail comme les autres. Ça permet de montrer qu’une personne sourde est tout aussi capable qu’une personne entendante d’endosser des postes à responsabilité. C’est un plus important pour la promotion professionnelle en entreprise. Le téléphone devient même un dispositif indispensable au sein de la famille. Il a permis d’établir des relations différentes. Avec le vidéophone, grâce à la qualité des interprètes professionnels nous pouvons faire passer une meilleure information. La famille, les amis nous prêtent une attention plus marquée car nous pouvons désormais exprimer et faire passer des émotions, expliquer ce que nous ressentons, le mal-être, la frustration, avec pour conséquence une meilleure prise en compte de l’entourage.

Vous offrez également la possibilité aux étudiants sourds de suivre des études normalement

En effet, nous avons mis au point un autre produit permettant de pouvoir suivre des cours ou des conférences en direct. Ce produit s’adresse aux étudiants mais aussi aux salariés d’entreprises qui veulent suivre une formation ou une conférence. Dans ce contexte, la traduction en langue des signes est moins adaptée pour la simple raison qu’un traducteur des signes perdra son efficacité au bout d’une heure. Concrètement, la personne sourde voit sur son écran les propos du professeur ou du conférencier s’inscrire au fur et à mesure qu’il parle. Dans ce dispositif de télétranscription, une personne spécifiquement formée à la retranscription par reconnaissance vocale, répète à distance – même si c’est à 800 kilomètres – ce que dit la personne entendante dans la salle de cours ou de conférence en ajoutant des indications de ponctuation. Ses propos sont ensuite retranscrits par un logiciel de reconnaissance vocale sur un écran. Concrètement, s’il s’agit d’un étudiant, celui-ci est dans la salle de cours. Il voit le professeur parler et ses paroles s’inscrire en temps réel sur l’écran qu’il a devant lui. Autre avantage : c’est enregistrable et imprimable. C’est un outil de démocratisation sociale fondamental. Il a permis par exemple à un étudiant que nous avons suivi d’être intégré aujourd’hui à l’École du Louvre.

source : Gouvernement.fr

SOURCE : http://www.acturank.com/article9616.html

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