Par Chahrazed Foudil, Christopher Yap, Myriam Amselem et Jessi Spector, étudiants au baccalauréat en ergothérapie à l’Université McGill, en collaboration avec Aselin Weng, fondatrice de Seeing Voices Montréal.
Les auteurs forment une équipe de cinq étudiants de deuxième année au baccalauréat en ergothérapie dispensé à l’Université McGill. Dans le cadre du cours intitulé «Enabling Leisure Occupations», ils se sont intéressés à l’organisation «Seeing Voices Montréal», qui a comme ultime mission la valorisation de la culture des personnes Sourdes ou malentendantes au sein de la communauté, ainsi que la sensibilisation de la société à la diversité de talents, de capacités et de compétences dont font preuve ces personnes vivant avec des niveaux de surdité variables.
Introduction
Cet article décrit la culture et le mode de vie général des personnes Sourdes ou malentendantes. Cette description comprend également les multiples barrières et obstacles que peuvent rencontrer ces gens lorsque vient le temps d’accéder aux services de santé, par exemple. Finalement, l’article fera mention des attitudes et comportements que doivent adopter les ergothérapeutes lorsque ces derniers rencontrent des patients Sourds ou malentendants, ainsi que les ressources auxquelles les cliniciens peuvent accéder.
La culture Sourde
Lorsqu'il est question de la culture des Sourds, il est possible de remarquer que le mot s’écrit avec un «S» majuscule. Cela est expliqué par la nécessité de souligner le fort sentiment d’identité et d’appartenance des Sourds à leur culture (Seeing Voices Montréal, 2017). Avant d’aller plus loin, voici la définition d'une personne Sourde selon l’Association des Sourds du Canada : « […] une personne comme médicalement/audiologiquement sourde […] cette personne a peu ou pas d’audition fonctionnelle et dépend d’une communication visuelle plutôt qu’auditive.» (ASC, 2015).
La perception des personnes Sourdes par le reste de la population est souvent basée sur des préjugés et stéréotypes engendrant parfois de la discrimination. En effet, l’audisme, une forme de discrimination du même type que le racisme ou le sexisme, repose sur des préjugés stipulant que les personnes Sourdes ou malentendantes sont inférieures, déformées et anormales comparativement aux personnes à audition normale. De tels jugements préconçus ne font que renforcer le sentiment d’identité et d’appartenance des personnes Sourdes et malentendantes à leur communauté et à leur culture (ASC, 2015), car ces dernières perçoivent leur surdité comme une minorité linguistique, et non pas comme un handicap.
En effet, cette culture englobe les croyances, l'histoire, les normes, les valeurs, les traditions littéraires et l'art partagé par les Sourds et n’inclut en aucun cas une association à une terre natale (WFD, 2017). Cette culture a comme pouvoir de réunir les personnes Sourdes ou malentendantes qui utilisent le langage des signes, le ASL (American Sign Language) ou la LSQ (Langue des signes québécoise). De plus, elles sont fières et apprécient leur héritage et ce bagage culturel qu'elles transmettront de génération en génération. Cette communauté n’est toutefois pas uniquement constituée de membres Sourds ou malentendants. En effet, elle comprend également des membres de la famille des personnes Sourdes, des interprètes de langue des signes ainsi que ceux et celles qui s'identifient à la culture des Sourds. Cependant, ces derniers doivent être reconnus et acceptés par les membres déjà présents dans la communauté et pour ce faire, ils se basent particulièrement sur leur compétence dans une langue des signes (WFD, 2017).
Cette communauté ressent le besoin de s’unir, de créer des liens et garder contact, et ce, à travers plusieurs événements organisés dans ce but précis. En effet, le «Mayfest», un événement populaire célébrant annuellement cette minorité socioculturelle en Ontario, rassemble des personnes Sourdes du Canada et des États-Unis, leur donnant ainsi une opportunité unique d’élargir leur réseau social. Un tel évènement inclusif permet le renforcement des liens sociaux ainsi que l’expansion de la communauté (OAD, 2014).
SEEING VOICES MONTRÉAL
Qui sommes-nous?
Seeing Voices Montréal (SVM) est une organisation qui a vu le jour en 2012 lorsqu’elle fut fondée principalement par Aselin Weng, actuellement étudiante en médecine à l’Université McGill, et passionnée par la culture des personnes Sourdes et malentendantes. Weng a fondé SVM en compagnie de deux de ses collègues, Jack Volpe et Josephine Torossian. Cette organisation est constituée d’une équipe de bénévoles dévoués et dynamiques dont certains membres ont pour langue maternelle le ASL et d’autres la LSQ. Elle comprend également des étudiants apprenant le ASL et des individus issus de la communauté des Sourds de Montréal (SVM, 2017).
Quelle est notre mission et notre vision?
La mission de SVM est de créer des opportunités visant à réunir des personnes Sourdes ou malentendantes et à audition normale, notamment pour créer des liens. En effet, de tels rapprochements favorisent leur collaboration et contribuent à la conscientisation de la société face à la culture des personnes sourdes (SVM, 2017). En effet, une société sensibilisée aux différents obstacles et barrières que peuvent rencontrer les personnes Sourdes dans plusieurs domaines de la vie de tous les jours peut mettre fin à la marginalisation et à la stéréotypisation entourant la surdité.
Que faisons-nous? Qui peut nous rejoindre?
Divers services et activités sont offerts par cette organisation. En effet, Jack Volpe, seul membre de sa famille à être né sourd, est un membre dévoué de SVM et enseigne le ASL au sein de cette même organisation, mais aussi au centre de réadaptation MAB-Mackay. De plus, des cours et des ateliers sont également offerts à l’Université McGill, introduisant des étudiants de la faculté de médecine au ASL. Ces cours visent à faciliter l’accès des personnes Sourdes ou malentendantes aux divers services de santé offerts. Enfin, SVM crée et réalise de multiples productions en ASL et en anglais comme «The Little Mermaid», qui fut adaptée et réalisée par Jack Volpe en 2015 (SVM, 2017). Les opportunités de faire du bénévolat au sein de cette organisation sont restreintes à certaines conditions. En effet, les bénévoles entendant(e)s doivent être en mesure de surmonter certaines barrières entravant la communication avec les personnes Sourdes ou malentendantes. Pour ce faire, un certain niveau de maîtrise du ASL est requis afin de joindre l’équipe de SVM.
Le point de vue du "loisir adapté" - pourquoi une organisation comme «Seeing Voices montréal» est-elle bonne pour la communauté?
Les activités sociales offertes par SVM permettent de réunir des personnes Sourdes ou malentendantes ainsi que des personnes entendantes. En effet, elles peuvent par exemple se réunir autour d’un verre et partager toutes sortes d’anecdotes, et ce, en surmontant les barrières entourant la communication. En effet, de telles activités, que la majorité d’entre nous prenons pour acquises, peuvent être adaptées en modifiant certains aspects environnementaux. Par exemple, un interprète peut être présent durant la conversation et interpréter la langue des signes ainsi que la langue parlée. Ensuite, pour regarder un film ou une quelconque autre projection, des sous-titres peuvent accommoder les personnes Sourdes ou malentendantes ainsi que les personnes à audition normale dans le but de suivre le cours des évènements afin que toutes et tous puissent collectivement profiter de l'activité.
Les services de santé
Selon le rapport «Sick Of It», produit par l’organisme américain «The Deaf Health Charity» qui lutte pour faciliter l’accès des personnes présentant des niveaux de surdité variables aux services de santé, les personnes Sourdes ou malentendantes ont une mauvaise santé comparativement aux personnes à audition normale et fonctionnelle. C’est le cas en raison des barrières entravant une communication décente entre les professionnels de la santé et les personnes Sourdes et malentendantes, rendant ainsi l’accès à l’information et aux services de santé très difficile. En effet, lorsque ces personnes et leur médecin se voient pour la première fois, elles sont obligées de communiquer d’une manière engendrant la confusion et les malentendus, ce qui a un effet immédiat sur le diagnostic et le traitement à administrer (The Deaf Health Charity, 2014). Afin d’éviter de tels problèmes, que doivent faire les professionnels de la santé, comme les ergothérapeutes, pour offrir leurs services d’une manière appropriée lorsqu’ils ou elles rencontrent des patients Sourds ?
Lorsque les ergothérapeutes rencontrent leurs patients Sourds ou malentendants pour la première fois, il est très utile d’avoir à leur disposition des outils technologiques comme un ordinateur ou un téléphone intelligent pour communiquer à l’écrit. Toutefois, cette méthode peut prendre beaucoup de temps et créer de la frustration pour la personne Sourde ou malentendante et pour le professionnel de la santé. C’est pour cette raison qu’il est important de valoriser et privilégier l’interaction "face à face". Pour ce faire, l’utilisation d’outils électroniques comme VRI («Video Remote Interpreting») peut être utile pour avoir une conversation "instantanée". En effet, cet outil a virtuellement recours à un interprète offrant ses services à distance à travers un écran. De plus, ce système requiert uniquement une connexion au réseau internet et une webcam (Deaf Services Unlimited, 2011). Si possible, la présence d’un interprète sur les lieux est recommandée, car il sera capable d’interpréter l’information médicale communiquée par le professionnel de la santé. D’ailleurs, ce dernier doit toujours utiliser des supports visuels afin de clarifier les méthodes et les procédures qui auront lieu. De plus, lorsque l’interprète est présent, l’ergothérapeute doit toujours s’adresser au patient, jamais à l’interprète ou à un membre de la famille du patient. Puis, il faut toujours employer le même ton de voix que celui employé lors d’une discussion avec une personne entendante. En effet, le fait de crier ou d'augmenter le ton de voix ne changera strictement rien à la situation (Walker, 2015).
C’est pour ces diverses raisons que les professionnels de la santé se doivent de faire appel à un interprète et se renseigner sur les services offerts dans la société, comme ceux de l’Institut Raymond Dewar (centre de réadaptation spécialisé en surdité et en communication) ou du Centre de réhabilitation MAB-Mackay. Pour toute question, les ergothérapeutes peuvent se renseigner auprès de l’Association des Sourds du Canada ou de l’organisation Seeing Voices Montréal si elles ou ils sont intéressé(e)s à apprendre le ASL afin d’éliminer les barrières entravant la communication entre eux et les personnes Sourdes ou malentendantes.
Pour joindre les auteurs : chahrazed.foudil@mail.mcgill.ca
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