Marie-Pierre Petit a trouvé un moyen drôlement original de sensibiliser les enfants à la réalité des sourds et des malentendants : enfiler un nez rouge et faire le clown. Pour cette intervenante, elle-même sourde, le rire est de loin la meilleure façon de faire tomber les préjugés concernant sa communauté.
« Quand tu deviens un clown, tu obtiens l’attention des gens. C’est souvent plus facile de passer un message en les faisant rire qu’avec de grands discours », explique en langue des signes québécoise la jeune femme de 32 ans, qui a pour nom de scène Pafolie.
Depuis avril dernier, Marie-Pierre Petit et son comparse Jacques Hamon donnent des représentations dans les bibliothèques de Montréal et dans les écoles. Le spectacle, qui s’intitule Sourds comme ça, met en scène deux clowns, l’un jouant le rôle d’une patiente sourde, et l’autre un médecin qui ne comprend pas sa condition. Un interprète est présent pour traduire à l’assistance les signes utilisés par les deux comédiens.
Après le spectacle, les enfants ont l’habitude de donner un câlin aux clowns et de vouloir prendre une photo avec eux. Quand ils se rendent compte que les artistes sont vraiment sourds — et non pas seulement dans la pièce — ils sont estomaqués, remarque Marie-Pierre, qui est sourde de naissance, tout comme ses deux parents. « Ils réalisent que nous ne sommes pas si différents d’eux. »
Il faut dire que pour Marie-Pierre, l’art clownesque a été depuis sa tendre enfance un moyen de développer sa confiance. Son père, Pierre Petit, a exercé le métier de clown et de magicien pendant 37 ans. Plus connu sous le nom de Pafou, il a eu l’occasion d’émerveiller le public, notamment au Japon, en Russie, en Europe et aux États-Unis.
« À la maison, mon père avait une pièce dans laquelle il gardait ses costumes et son matériel de magie. Il nous défendait d’y entrer. À 8 ans, je m’y suis faufilée pendant son absence. À son retour, quand il a découvert que j’étais entrée, il m’a demandé pourquoi j’avais touché à ses objets. Je lui ai dit que je voulais apprendre à faire comme lui. »
Plutôt que de la gronder, son père s’est mis à lui enseigner quelques tours de magie. Il l’a ensuite amenée dans une boutique spécialisée où il lui a offert un petit costume de clown. Il lui a aussi donné son nom de scène.
Marie-Pierre a suivi les traces de son père et l’a accompagné pendant plusieurs années en tournée jusqu’à la retraite de ce dernier. Se déguiser en clown est non seulement devenu un gagne-pain, mais aussi une façon de développer une grande confiance en elle.
Aussi, quand elle est devenue coordonnatrice du programme d’inclusion sociale de l’Association du Québec pour enfants avec problèmes auditifs Montréal régional (AQEPA) en février 2016, l’idée de proposer des spectacles de clown dans les bibliothèques et les écoles pour sensibiliser les jeunes à la réalité des sourds et des malentendants s’est rapidement imposée d’elle-même. « La surdité génère beaucoup d’incompréhension. Quand deux sourds communiquent par signes, les gens les regardent bizarrement, un peu comme si c’était des animaux de zoo. Les gens ne savent pas non plus comment aborder les sourds. Ça ne sert à rien de répéter plus fort ! Le spectacle vient expliquer ces différences. »
Être sourd, c’est devoir composer avec des choix de vie plus limités. Les métiers et les professions qui impliquent une grande interaction sociale leur sont difficilement accessibles. « C’est dur de trouver un champ d’études qui débouche sur un emploi. J’ai longtemps rêvé de devenir policière, mais ce n’est pas possible. »
La vie sociale est souvent plus restreinte, fait remarquer Marie-Pierre, dont le conjoint et la plupart de ses amis sont également sourds. « Ma fille de 9 ans entend et joue dans une ligue de ringuette. L’autre jour, j’ai participé à une activité sociale pour les parents des joueurs. Une fois que les autres parents m’ont saluée, je me suis vite retrouvée isolée du groupe. Mais bon, j’ai pu passer du temps avec ma fille », illustre-t-elle.
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