Avec le coronavirus, la percée de la langue des signes à la télévision - SlateFR

À situation exceptionnelle, communication exceptionnelle. La langue des signes a envahi nos écrans depuis le début du confinement, et elle pourrait bien y rester une fois la crise passée.

Emmanuel Macron et l'interprète en langue des signes de son allocution à Saint-Barthélemy-d'Anjou, le 31 mars 2020.
| Loïc Venance / Pool / AFP

Ces personnes parlent avec leurs mains, font des grimaces avec leur bouche et tous les muscles de leur visage, sans jamais qu'un son ne sorte de leur gorge. À peine les remarque-t-on d'habitude, coincées qu'elles sont dans un petit médaillon en bas de l'écran –ou tout simplement absentes des allocutions publiques.

Avec le coronavirus, pourtant, elles sont devenues les vedettes temporaires du petit écran. Les interprètes en langue des signes française (LSF) n'ont jamais été aussi visibles que depuis le début de la crise sanitaire.


En première ligne

Présent·es à Mulhouse et à Saint-Barthélemy-d'Anjou, près d'Angers, aux côtés du président de la République Emmanuel Macron et tous les soirs à l'heure du bilan de l'épidémie par le directeur général de la santé Jérôme Salomon, les interprètes en LSF occupent la même place à l'écran que celui dont ces pros traduisent le discours en direct. «En première ligne», selon le langage martial aujourd'hui de mise.

«D'habitude, mes vidéos restent dans la communauté sourde, indique-t-elle via une interprète téléphonique en langue des signes. Mais là, j'ai constaté que c'était beaucoup d'entendants qui l'avaient faite tourner.» En à peine une semaine, sa vidéo a été vue plus de 200.000 fois, bien plus que ses autres productions.

«La mise en lumière des interprètes à la télé a, me semble-t-il, un impact plus fort sur la représentation que les entendants ont de la langue des signes que sur les sourds», commente Brigitte Garcia, professeure en sciences du langage à l'université Paris 8.

Florence Encrevé, interprète et enseignante-chercheuse dans la même université, rappelle que «dès 2005, les interprètes nous racontaient que des gens envoyaient aux chaînes des lettres disant que la personne qui gesticulait à l'écran les gênait. Heureusement, on a fait beaucoup de progrès depuis, et il y a une meilleure acceptation de leur image».

Hasard du calendrier

Il serait tentant d'attribuer cette exposition nouvelle de la LSF à la crise du coronavirus. «Il s'agit en fait d'un hasard du calendrier», explique Jérémie Boroy, président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH): les événements n'ont fait que précipiter la mise en œuvre de mesures déjà discutées par le gouvernement.

À l'occasion de la Conférence nationale du handicap, qui s'est tenue le 11 février dernier, un mois seulement avant le début du confinement, le gouvernement s'est engagé à renforcer «l'accessibilité́ des programmes essentiels pour nos concitoyens (émissions se rapportant aux campagnes électorales, événements d'importance majeure, interventions du président de la République et du gouvernement)».

Soit «prendre en compte la diversité des besoins des sourds», résume Jérémie Boroy. «Pendant longtemps, on demandait aux chaînes d'avoir recours à des interprètes, mais c'est à l'Élysée de les imposer à l'image. Emmanuel Macron avait déjà commencé pendant la crise des “gilets jaunes”», remarque-t-il.

Si Jérôme Salomon et la secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées Sophie Cluzel ont déjà pris exemple sur lui, Jérémie Boroy espère que le reste du gouvernement va bientôt leur emboîter le pas.

En septembre 2020, les principales communications gouvernementales devraient être disponibles en langue des signes.

Bataille pour l'information

La LSF a mis des années à s'imposer (discrètement) dans l'espace public. Jusqu'en 1991, elle était interdite dans l'éducation des sourd·es. «Dans les années 1980, la crise du sida a éclaté et les sourds n'avaient aucun accès à l'information, mentionne par exemple Brigitte Garcia. S'ils étaient testés positifs, ils se pensaient hors de danger.»

Ce n'est qu'en 2005 que la LSF a été reconnue dans la loi comme langue à part entière, et que les interprètes ont fait leur entrée sur le petit écran. Mais encore aujourd'hui, rien n'oblige légalement les chaînes à faire appel à leurs services pour traduire leurs programmes en direct. Cela se fait au compte-goutte, et selon «la bonne volonté» de chacune, regrette Florence Encrevé.

Les tranches horaires traduites en LSF sur les chaînes privées comme publiques sont encore rares (sur France 2 de 6h30 à 8h30, sur France 3 pour les questions parlementaires du mercredi après-midi, sur BFM TV à 13h, ou encore au JT de 20h sur LCI), et la majorité des programmes et des journaux inaccessibles à la communauté sourde.

Or nombre d'adultes sourd·es sont illettré·es. S'il est contesté dans sa méthodologie, l'unique rapport sur le sujet, daté de 1998, estime tout de même à 80% le taux d'illettrisme dans cette frange de la population.

«Les sourds ont souvent beaucoup de difficultés à l'écrit, tout simplement parce qu'on le leur a enseigné en langue vocale», relève Brigitte Garcia. Difficile pour ces personnes de lire les bandeaux des chaînes d'info, les sous-titres ou de s'informer grâce à la presse écrite ou sur internet.

La LSF est leur seul moyen de communication: une faille que la crise sanitaire que nous traversons a bien malgré elle permis de combler –plus rapidement que prévu.

Source :

SlateFR

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