Accessibilité aux sourds: les équipes des candidats en léger progrès

La plupart des candidats à la présidentielle ont fait traduire leurs meetings en langue des signes. Des initiatives qui cachent une réalité pas reluisante : des interprètes peu visibles et une quasi-absence de sous-titrage.

Un discours de Benoît Hamon, le 11 avril 2017, traduit en langue des signes et transcrit à l'écrit. Photo Jeff Pachoud. AFP

En quelques semaines, la page Facebook du collectif Accès-cibles est devenue le déversoir de la colère de certaines personnes sourdes. En cause, le manque de visibilité de la traduction en langue des signes française (LSF) des meetings de la campagne qui vient de s’achever. Les critiques sont nombreuses : à la télévision, les interprètes ont été réduits à squatter un espace grand comme un timbre-poste en bas à gauche de l’écran, ils ont parfois été oubliés sur certains plans, quelquefois cachés par les drapeaux brandis par les militants. Voire totalement absents de certains événements.

Créé en janvier, Accès-cibles regroupe des interprètes LSF et des personnes sourdes autour de l’envie commune d’obtenir une vraie accessibilité aux discours politiques. Au cours de la campagne, ils ont fait de petits happenings durant les meetings. «Les sourds signifiaient qu’ils ne comprenaient pas ce qui se dit, les interprètes se levaient et commençaient à signer», raconte Fanny Mantel, membre du collectif. Ou alors «les sourds notaient l’accessibilité du meeting, et interpellaient ensuite les politiques». Ces actions, plutôt bien prises par les équipes des candidats aux dires d’Accès-cibles, étaient diffusées sur les réseaux sociaux.

Il faut dire que dans un monde idéal, tous les meetings, débats et soirées électorales à la télévision seraient traduits en langue des signes française et transcrits en vélotypie (sous-titrage en temps réel). Au terme de la campagne 2017, quel bilan tirer de cette cuvée ?

Les discours ont été traduits en LSF quasiment systématiquement chez les «grands» candidats − sauf chez Marine Le Pen qui n’a commencé à le faire qu’après le 1er tour −, et lors des grands événements chez les «petits», comme Philippe Poutou, Nathalie Arthaud et François Asselineau. Mention spéciale à François Fillon qui a été traduit «dès la campagne des primaires», précise Stéphan Barrère, interprète membre du réseau ILSF (Interprètes en langue des signes française). «Les discours de Macron, Mélenchon et Hamon ont été à la fois traduits en LSF et transcrits en vélotypie lors de leurs grands meetings», se félicite-t-il. Une double accessibilité indispensable : souvent, le seul sous-titrage ne permet pas de donner toutes les clés de compréhension. «Par exemple, quand on parle du "locataire de la Maison-Blanche", poursuit Stéphan Barrère, la vélotypie ne suffit pas : toutes les personnes sourdes n’ont pas forcément accès à ce vocabulaire. L’interprète va directement traduire "président des Etats-Unis" ou "Donald Trump".»

Pas de sous-titres pour Macron au Louvre
Alors oui, il y a eu des évolutions depuis 2012, où «seul François Hollande avait assuré une accessibilité complète de ses meetings», rappelle pour sa part Jérémie Boroy, le professionnel qui pilote les Ateliers de l’accessibilité. «Cette fois, plus de candidats ont utilisé la LSF, un peu de vélotypie, mais de façon irrégulière et sans trop regarder le résultat.» En clair, les interprètes étaient parfois là pour faire une belle image. «Autre comparaison, toute bête : en 2012, place de la Bastille, François Hollande avait LSF, vélotypie et boucle magnétique [qui envoie le son directement à des appareils auditifs connectés]. Dimanche, Macron au Louvre : uniquement LSF…» Et encore, l’interprète était coincé à l’écran «dans une toute petite fenêtre», ajoute Fanny Mantel. «C’est comme si on demandait à un entendant de suivre l’événement avec le son qui chuchote», explique Stéphan Barrère.

La fédération nationale des sourds de France (FNSF), qui avait interpellé les candidats les principaux candidats sur ces sujets dès février, regrette également «qu’aucune chaine n’ait respecté la charte de qualité de la LSF qu’ils ont signé. A savoir la taille de l’interprète. Il devait être 1/3 de l’écran alors que concrètement il était voire 1/8 de l’écran». Quant aux clips officels de campagne, leur traduction «a bien été prise en charge par France Télévisions», analyse la FNSF. «Mais cette accessibilité est en option, c’est-à-dire au bon vouloir du candidat de l’intégrer ou pas dans le clip. Cela ne devrait pas être une option, mais une obligation.»


Capture écran de la traduction en LSF du débat du 3 mai entre les deux candidats du second tour.

Des innovations numériques

Si des réelles améliorations ont eu lieu, elles sont à chercher dans le développement du numérique, qui a permis de diffuser en direct sur YouTube, Facebook ou Twitter des sous-titres et la traduction en LSF. De même, le débat du 3 mai a été rendu accessible sur LCI.fr avec trois interprètes qui se relayaient pour chacun des candidats, un dispositif mis en place par Aditevent, l’entreprise de Jérémie Boroy et prolongé sur le site de France Inter avec de la vélotypie.

Enfin, seul Benoît Hamon a fait traduire son programme et sa profession de foi en langue des signes, documents qui paraissent pourtant indispensables à la bonne compréhension des enjeux du scrutin. «C’est incroyable que la France soit si en retard», peste Fanny Mantel. Le collectif Accès-cibles compte bien continuer à se rendre visible à l’occasion des législatives.

Source : Guillaume Lecaplain, libération

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