Sourde et aveugle, une femme déplore les lacunes d’un service d’accompagnement
PHOTO AGENCE QMI, MARTIN ALARIE
Daniel Deschênes, 55 ans, et Nicole Durocher, 63 ans, peuvent seulement communiquer en traçant des signes dans la paume de leur main. Ils dépendent d’un service d’accompagnement pour faire l’épicerie ou acheter des vêtements.
Une femme sourde et aveugle de Montréal dénonce qu’elle reste enfermée chez elle, le réfrigérateur vide durant des semaines, car les services d’accompagnement du gouvernement sont déficients.
« J’ai besoin d’aide », plaide Nicole Durocher, 63 ans, qui rêve d’aller faire son épicerie aux deux semaines, d’aller nager ou faire du vélo en tandem. Mais elle reste chez elle à tricoter et lire des livres en braille.
« J’ai l’impression de ne pas avoir les mêmes possibilités », se désole-t-elle.
Le Journal l’a rencontrée à l’aide d’une interprète utilisant la langue des signes québécoise tactile, c’est-à-dire qu’elle trace les signes dans la paume de la main de Mme Durocher.
Incapable de communiquer
Née sourde, mais devenue complètement aveugle à 40 ans, Mme Durocher dépend d’un accompagnateur pour sortir de chez elle en sécurité. Elle a un chien-guide, Kayak, mais elle reste « incapable de communiquer avec personne ».
Même si elle écrit une liste sur un papier, les gens n’arrivent parfois pas à la lire et n’ont aucun moyen de lui répondre. Se promener seule avec son chien-guide est risqué, à cause des nombreux travaux autour de chez elle à Saint-Léonard.
Avec un programme gouvernemental, l’Institut Raymond-Dewar et le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal lui attribuent jusqu’à 11 heures d’accompagnement par semaine.
Seulement 8 $/h
Elle reçoit une allocation tous les six mois, mais elle doit elle-même communiquer avec une liste d’accompagnateurs potentiels. Le problème, c’est qu’ils sont peu nombreux et rarement disponibles, dit-elle.
« J’ai l’argent, mais je n’ai pas d’accompagnateur », se désole-t-elle.
« Mon frigidaire est vide, mais qu’est-ce que je peux faire ? C’est très frustrant », dit-elle, ajoutant qu’elle rationne ses provisions.
Elle montre du doigt le salaire pour expliquer le manque d’intérêt des accompagnateurs. Selon l’entente qui la lie au CIUSSS, elle doit payer l’accompagnateur 8 $/h, soit moins que le salaire minimum.
« Ça n’intéresse personne », lance-t-elle. Les quelques accompagnateurs qu’elle réussit à avoir chaque mois ne parlent pas non plus la langue des signes tactile, c’est pourquoi elle doit aussi trouver un interprète si elle doit aller chez le médecin.
Dès que l’un d’entre eux annule à la dernière minute, elle doit rappeler tout le monde pour tenter de remettre les rendez-vous à plus tard, ce qui est fréquent selon elle. Elle réussit à faire des appels avec un interprète ou elle envoie des courriels avec un clavier en braille.
Le directeur général de l’Association du syndrome de Usher du Québec (ASUQ), Daniel Deschênes, estime qu’environ 250 Québécois atteints de surdicécité et vivant seuls, comme Nicole Durocher, ont besoin de services d’accompagnement.
Malgré ses nombreuses demandes pour plus de financement et d’accompagnateurs depuis 2011, le gouvernement fait la sourde oreille, déplore-t-il, se sentant complètement abandonné.
Le ministère de la Santé dit être « au fait de la situation concernant les difficultés de recrutement d’accompagnateurs ».
La porte-parole Marie-Claude Lacasse soutient que le ministère documente la problématique pour identifier des pistes de solutions, mais qu’il « est trop tôt pour s’avancer davantage ».
Écris par Hugo Duchaine
Source : Journal de Montréal
Voir aussi :
- Les personnes sourdes ne sont pas à réparer - LeDevoir
- Pour une reconnaissance de la LSQ - un engagement de Québec Solidaire
- Communiqué : Suspension indéterminée des services d'interprétation ...
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